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Voyage en Indochine de Gaston Donnet

Gaston Donnet a voyagé à travers l'Indochine vers 1900. Il nous livre ici ces impressions, accompagnées d'une multitudes d'illustrations fort intéressantes.
L'arrivée en Cochinchine
"Vue de Poulo Condore aux roches arrondies en mamelles. Poulo Condore, le pénitencier de la Cochinchine, joie des numismates qui y découvrent, en fouillant à l'aventure, autour de quelques débris, des pièces de monnaies datant de Charles Quint, preuve irrécusable que les espagnols reconnurent ces îles au commencement du XVI eme siècle.
 
Cap Saint Jacques 
Il faut savoir que ces roches sont celles du Cap Saint Jacques et que le Cap Saint Jacques est le Dieppe de la Cochinchine; que ces maisons à toits rouges sont autant de villas de bourgeois ; Que cette grande bâtisse, à droite, est un hôtel, dernier cri du confortable et que cette grande bâtisse, à gauche, est un palais, le palais d'été du Gouverneur Général. Le Don-Nai est un vilain fleuve, voilà tout ce qu'on peut en dire. Il est sale, couleur de boue, caca d'oie et monotone."
 
Saigon au moment de la fête du têt
Le têt, c'est la fête du 1er jour de l'an. Pendant toute sa durée, Annamites et Chinois ne font rien que boire, manger, tirer des pétards pour éloigner les mauvais génies et pour parer les tombes de leurs morts de bouquets et d'inscription fraîches.
 
Et cette débauche de pétarades et de chapeaux en papier semble devoir ne jamais finir... Le pauvre Européen entend le gong et cherche en vain des voitures. Pendant 8 jours, on le voit se promener hirsute, par les rues. Perruquiers, tailleurs, blanchisseurs, cordonniers et cochers sont les maîtres. Ils ne consentiraient même pas, pour 100 piastres, à lui vendre une épingle ! [...]
 
Quand on a fini de manger, on va jouer. Les tripots, ouverts seulement aux jours du têt, rejettent leur monde jusque sur les trottoirs. On étouffe, on cuit dans ces repaires. Les poitrines nues ruissellent de sueur.. Ces gens là perdent ou gagnent. Eh bien, je défie, même un psychologue de métier, de lire une impression, une émotion quelconque sur leur visage. [...] Quand ils s'en vont, poches vides ou poches pleines, ils n'en font, n'en disent, ni une parole, ni un geste de plus. Personne ne les regarde, personne ne les suit. Ils ne marchent pas, ils glissent, ils passent dans d'autres foules, sans jamais les heurter.
 
L'Annamite est en caoutchouc. Et c'est ce qui explique sans doute, avec quelle facilité on tape dessus à coups de cadouille. 
 
Cholon
Oui, la Chine est là, aux portes de Saigon ! Comment voulez vous y aller, à pied, en victoria, en bateau, en tramway ou en charettesà bœuf ? En tramway. Soit. Alors montez dans une espèce de boite en fer, à l'usage des seuls Européens, car tout le reste du compartiment est réservé aux seuls Annamites et à leurs épouses, et aux puces de leurs épouses. [..]
 
"Ses veilles rues tournent sur elles-mêmes, en vrilles. On ne voit que longues files de maisons avec un étage supérieur qui, appuyé sur des piliers, avance et forme arcade. Boutiques et bazars creusent des trous noirs dans ces maisons. D'un mur à l'autre, ce n'est que forêts d'enseigne qui se balancent verticales, longues plaques en bois, noires, blanches, rouges ou dorées, portant des lignes pleines d'hiéroglyphes, des génies à longue barbe, des bêtes monstrueuses en papier..."
 
Les domestiques
"L'Annamite est né pour être domestique ! 
Votre cuisinier  - Chinois ordinairement - vous coûte 8 piastres à 20 piastres par mois, soit de 40 à  100 francs. Il touche ses appointements  comme un bureaucrate et vient chez vous avec une admirable ponctualité. Le soir, il vous demande le marché, de 3 à 5  francs pour deux personnes et s'en a coucher dans sa paillote, à moins que vous ne le logiez, ce qui est toujours une bêtise, car il vous amène sa famille, ses mais, et votre habitation devient bientôt un caravansérail.
 
Quatre plats le matin, quatre plats le soir, tel est son ordinaire. La table est abondante et variée. Le Chinois est le 1er cuisinier et le meilleur droguiste du monde. Il a aux halles ses fournisseurs attitrés et il trouve facilement, sur place, un confrère qui partage avec lui le morceau trop considérable pour votre appétit. Quelquefois cependant le menu est maigre. Votre chef a perdu l'argent du marché et vous vivez sur son crédit. D'autres fois, le menu est sardanapalesque : il a gagné au baquouan (sorte de roulette chinoise) et de bon cœur, il vous fait profiter de sa chance."
 
"Mais si, sortant du train-train culinaire habituel, vous voulez recevoir, c'est alors qu'il vous faut largement desserrer la bourse. La chai coûte peu, mais les vins sont hors de prix, et pour traiter 6 personnes, vous dépensez une centaine de francs. Le gigot, plat de luxe, se vend 3 piastres; le bordeaux ou le bourgogne 2 ou  3 piastres ; le champagne qu'on boit à tous propos 2 piastres...
 
En dehors du cuisinier, un sais et plusieurs boys constituent votre maison. Le saisi gagne de 60 à 100 francs par mois, sans la nourriture. Comme le cocher anglais, il ne s'occupe que de ses chevaux et de sa voiture. Les boys ont de 10 à 60 francs, souvent beaucoup moins. Ils sont ce que vous en faites et, quand ils ne sont pas voleurs, ils deviennent excellents, vite au courant de vos habitudes, connaissant vos mais, vos usages, prévenant le moindre de vos désirs. 
 
Il y a la toilette, le café, le cercle, la voiture, la location .. Et la congaï que vous oubliez ? ..."
 
La congaï
"J'expliquerai que c'est un petit animal porteur de robes de soie multicolores, de bracelets, de colliers et de bagues, d'ombrelles et de mouchoirs roses. Petit animal difficile à cataloguer dans l'échelle des êtres, participant à la fois du singe, de l'écureuil et de la femme. Ce que voyant, l'homme abusé par cette dernière ressemblance a voulu en faire sa compagne.
 
La congaï a toutes les imperfections morales nécessaires pour être aimée : elle est pétrie de défauts, saupoudrée de vices ; elle est coquette, menteuse, bavarde, vaniteuse, gourmande, fausse. Elle a un petit museau de guenon, c'est vrai; des yeux qui fuient vers les tempes, c'est vrai ; une bouche ouverte en tiroir sur des dents jaunes, c'est vrai. Mais en revanche, le plus joli menu corps du monde, des lignes charmantes, grêles d'enfance, un "cou flexible de bambou", des pieds et des mains d'Andalouse de 10 ans. Coupez lui la tête : il vous restera un bronze de Gérôme."
 
Les magasins indigènes à Cantho
A Cantho, le lendemain, un magistrat de mes amis, M. Habert, vient nous attendre au ponton. Et nous courons, en sa compagnie, les magasins indigènes. Toujours les mêmes objets, ceux que le Bazar de l'Hôtel de Ville nous vend à meilleur marché : les brûle-parfums en cuivre ou en zinc, les sièges de bois noir, les étoffes de soie convenablement bariolées de dragons et de bouddhas, de fleurs et de serpents emblématiques, les vases de porcelaine, les éventails de plume, les boites incrustées de nacre, les tablettes surchargées de caractères chinois, les instruments de musique : mandolines, petits violons, flûtes et trompettes, les poignards d'opéra comique à manche de corne rouge, etc...
 
Après avoir suffisamment marchandé et très peu acheté, après avoir fait le tour de la pagode, nous allons rendre visite à l'administrateur de l'arrondissement, M Saintenoy.
 
Chez l'Administrateur
Si l'on a voulu frapper l'esprit des Annamites par la vue des splendeurs, stuc et plâtres, de notre architecture nationale, je crois qu'on y a pleinement réussi. Ce ne sont pas des maisons qu'habitent M Saintenoy et ses collègues de l'Indochine, ce ne sont pas des hôtels, ce sont des palais ! Cela est immense et ceinturé de jardins. Un double escalier de pierre mène au salon de réception, à ce point majestueux et babylonien, qu'un troupeau d'éléphants pourrait jouer à cache cache dans les coins.
 
Des boys nombreux se montrent attentifs aux moindres gestes, des boys cochers, des boys valets de chambre, des boys marmitons, valets de pied et cuisiniers.. Mais à quoi sert tant d'apparat sous de tels lambris, puisque le beau salon majestueux et babylonien est toujours vide ? Puisque la victoria aux huit ressorts ne traîne que Monsieur l'Administrateur et son ennui, sur les mêmes routes, d'un bout de l'année à l'autre !
 
Ah, qu'il s'ennui, le pauvre, avec ses 18.000 francs d'appointements ! Et comme il se cramponne au moindre étranger qui arrive - et timidement presque humblement, l'invite à déjeuner, à dîner, à souper, - allant même jusqu'à lui prêter de l'argent, s'il savait par ce moyen le faire rester une heure de plus. Il y a quelque chose de délicieusement touchant dans cette insistance. [..]
 
Mais ces même hommes de si chaude sympathie rayonnante, regardez les dès qu'ils ne sont plus isolés : alors ils redeviennent des hommes comme les autres, pires que les autres, orgueilleux, vaniteux, pleins des 21 chapitres protocolaires attachés à leurs fonctions. A bord des paquebots allant en Europe, le pont n'est pas assez large pour les porter, eux et leurs épouses. Ils se promènent entre eux, causent entre eux, tournent le dos aux humbles sans broderies, qui les veulent approcher. Ils sont parfaitement désagréables. [..] 
 
Avoir la vocation 
Pour cette vie spéciale aux colonies, il est indispensable - et personne n'en doute - d'avoir la vocation. Or le plus souvent, ceux qu'on y envoie ne l'ont pas, la vocation.
 
Le fonctionnaire colonial, toujours très insuffisamment occupé, doit pouvoir trouver en soi un aliment. Seul dans son poste, il ne faut pas qu'il s'ennui. S'il s'ennui, il est perdu : il deviendra vite grincheux, maniaque, atrabilaire ; il boira, il s'injectera de la morphine, il fumera de l'opium ; pour un rien, il molestera ses administrés. [...]
 
Les 15 1ers jours [passés aux colonies, après l'obtention du diplôme de l'école coloniale], tout va. Ils usent leur bel uniforme, ne se lassant point d'en compter et d'en recompter les belles broderies d'or ; ils admirent les grands arbres, l'eau, le ciel, le soleil, ces populations étranges. Tout leur est prétexte à ébahissement. Ils font de longues promenades, le fusil à la main. Mais il fait chaud et le gibier qui devait se lever, à chaque pas, devient rare.
 
Première désillusion.
Deuxième désillusion : un beau matin, ils se lèvent, ils étouffent et ils ont froid, ils claquent des dents. Qu'est ce ? la fièvre. Ils prennent de la quinine. 48 heures après, ils sont sur pied. Seulement, le beau zèle est parti. Ce ciel mat, tout d'un pièce, les spleenétise - ils voudraient de la pluie !  Ces Noirs, ces jaunes, ces faces de brutes, cette forêt, ce fleuve, les horripilent .. Et désormais, leur volonté tendra vers cet unique but : revoir la France, Paris, ses boulevards et ses théâtres.
 
Notez qu'ils sont partis avec de grandes et bonnes résolutions. Des gens d'expérience ne leur ont point caché cet ennui qui les attendait. Ils se sont mis à rire. S'ennuyer ! Bah ! on les connaît peu. Ils ne s'ennuient jamais. Ils écriront, ils prendront des notes. Ils reviendront peut être avec un beau livre ?.. Hélas ! ils ne sont pas revenus avec un beau livre. Ils sont revenus avec une caisse de bouteilles d'absinthe - vides. 
 
Ils vont se chercher une femme. Mais habiter dans une paillote au bord d'un fleuve ou, tous les jours, les crocodiles viennent bailler au Midi ! Les demoiselles préfèrent épouser les capitaines de hussards en résidence à St Germain.
 
L'empereur Thanh Tai
Ce jeune homme si expansif, c'était Thanh-Tai, l'empereur !. Il y a 20 ans, la cours d'Annam était encore solennellement close aux regards des profanes. Quand l' Ambassade française arriva, en 1875, c'est à peine si elle put contempler, pendant 5 minutes, le glorieux Thu-Duc, immobile en son trône, sa tiare endiamantée, sa robe de satin, lamée d'ors et de pierreries, brochée de dragons bleus, ses quatre eunuques qui l'éventaient, ses femmes qui brûlaient des parfums de myrrhe sous son nez, ses premiers officiers... 
 
Mais aujourd'hui, ce pauvre jeune Thanh-Taî a été si mal élevé, en de si déplorables formules européennes, qu'il en a oublié un peu son trône, sa tiare, ses portes sabres et ses hérauts. Il n'a guère conservé que ses eunuques. Il fait de la bicyclette, de la photographie ; il vient au - devant de ses visiteurs et les reconduit, jusqu'à la porte, comme un ministre républicain.
 
Thanh-Taî n'a t-il point ses femmes si, par hasard, ce mal européens menaçait de l'atteindre ? Elles sont là pour obéir à tout ce que peut imaginer son impériale cervelle. A-t-il envie de leur couper le cou ? Elles tendent le cou (mais cela arrive rarement). Sa distraction préférée, entre le bicyclette et la photographie, consiste à les faire battre les unes contre les autres, en costume de soldats d'infanterie de marine. Celles qui sont vaincues, ils les emprisonnent et souvent, m'a t-on dit, les oublie au fond des cachots de la citadelle...
 
[NDLR : l'empereur sera destitué en 1907 pour ces raisons]
 
Les actes civils
Les mariages sont contractés en présence des notables de la commune, dont les fonctions ont pour but de donner de la solennité et de la force aux arrangements des deux familles. On pourrait dire qu'ils sont là plus comme notaires que comme maires.
 
Et ils parafent, parfois, de petits contrats dans le genre de celui ci :
 
"Moi Nguyen-Tho, attendu que je suis pauvre, que j'ai payé beaucoup d'impôts, que le riz est rare et que les voleurs m'ont pris un buffle, je déclare vendre  à X.. ma fille pour 10 piastres. Elle lui appartiendra aussitôt que j'aurai reçu l'argent." Fait à  XXXX ; Signé par la mère, le Maire, le lettré, le père.  Une clause : X.. aura le droit de disposer entièrement de la fille, de la vendre, de l'emmener au loin. Le père ne pourra s'y opposer."
 
La cérémonie du mariage
La cérémonie du mariage est assez simple, sans aucune préoccupation d'ordre religieuse. Le futur se rend chez son beau pére. On boit le thé, on fume - et le cortège se met en route, vers la demeure conjugale, dans l'ordre suivant :
 
01, 12 coolies portant des moustiquaires et deux caisses en bois renfermant des vêtements, 
02, Un coolie portant un sac de bijoux;
03, Deux garçons d'honneur,
04, Le marié
05, Un domestique portant la pipe à eau et le bétel
 
A cent pas en arrières, viennent :
01, Deux filles d'honneur,
02, la marié
03, un enfant de 10 ans portant la boite à chiques.
 
Arrivé chez elle, l'épouse se prosterne devant son mari. Mais lui, plein d'indulgence, la reléve et daigne s'asseoir à ses cotés. Tous deux iront alors offrir des fruits à Madame la Lune. Et Madame la Lune les récompensera de tant de pitiè en leur accordant beaucoup d'enfants. 
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